La machine à surproduire des logements vides

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Le Monde, le 23/03/2016

Depuis 1993, chaque ministre du logement a instauré son dispositif fiscal

Pour doper la construction, tous les gouvernements ont recours à la même recette : offrir des avantages fiscaux aux plus aisés pour qu’ils achètent des logements et les louent. Le gouvernement de Manuel Valls n’a pas résisté à la tentation en créant le dispositif de réduction d’impôt dit Pinel, en vigueur depuis le 1er septembre 2014. La mesure fonctionne et a fait bondir les ventes des promoteurs de 44 %, en 2015. Risque-t-elle, cependant, de reproduire les errements des précédents avantages fiscaux Robien et Scellier, notamment des constructions inutiles là où les locataires sont rares?

Depuis 1993, onze dispositifs de ce type se sont succédé, portant chacun le nom du ministre qui l’a intronisé, à l’exception de celui du député Scellier (Méhaignerie-Quilès, 1993-1997; Périssol, 1996-1999, Besson 1999-2003; Robien 2003-2006, Borloo, 2006-2009 – ces deux derniers déclinés en plusieurs versions -; Scellier, 2009-2012; Duflot, 2013-2014; Pinel, 2014-2016). Ils ont suscité la création, à bon ou à mauvais escient, de 1,2 million de logements locatifs, soit entre 40 % et 50 % de la production totale des promoteurs, engendrant un coût croissant pour le budget de l’Etat – jusqu’à 1,5 milliard d’euros en 2016.

Ce sont surtout les avantages Robien puis Scellier, en vigueur entre le 1er janvier 2003 et le 31 décembre 2012, qui ont donné lieu à une surproduction de logements dans des villes moyennes comme Auch, Limoges, Rodez ou Castres, laissant des milliers d’investisseurs ruinés en raison de l’inadéquation avec le marché locatif.

Devenue ministre du logement en 2012, Cécile Duflot avait souhaité recentrer le bénéfice de ces avantages vers les communes où le besoin de logements est le plus aigu, dans des agglomérations de plus de 100 000 habitants, en y plafonnant les loyers et en excluant les zones rurales et les petites villes. La conséquence de ce resserrement du périmètre a été une chute proportionnelle de la construction jusqu’à l’arrivée de Sylvia Pinel et de son nouveau dispositif.

Procédure dévoyéeLe champ d’éligibilité a alors de nouveau été élargi à une quinzaine de communes supplémentaires, et des agréments hors périmètres, délivrés par les préfets de région à la demande des maires, ont été rendus possibles, à condition de démontrer  » un besoin de logements quantifiables  » . Mais la procédure semble avoir été dévoyée :  » Je comptabilise 838 communes qui ont déjà obtenu de tels agréments dérogatoires, dont beaucoup affichent des taux de vacances des logements inquiétants, comme Vichy (21 %), Béziers (17 %), Besançon, Valence (12,9 %), Brive-la-Gaillarde (12,6 %) ou quinze communes autour d’Angoulême  » , s’insurge Franck Vignaud, directeur du Laboratoire de l’Immobilier, conseil en investissement.

Sylvia Pinel partie, Emmanuelle Cosse resserrera-t-elle le maillage, au risque de faire flancher à nouveau la construction mais aussi d’empêcher de nouvelles déconvenues aux investisseurs et, comme à Saint-Gaudens (Haute-Garonne), à tous les propriétaires bailleurs, privés et publics? Elle ne s’est pas encore prononcée.

I. R.-L

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