Le BOM change de dimension

Le BIM change de dimension – Environnement Magazine, le 13/07/2016

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Nous vous proposons ici de découvrir plusieurs articles lu dans Environnement magazine sur le BIM, Building Information Modeling, ou en français la Modélisation des informations du bâtiment.

« La maquette numérique et le BIM constituent de puissants outils au service de la qualité environnementale globale d’une opération de construction ou de rénovation. Et s’imposent de fait, conduisant les professionnels à revoir leurs modes de collaboration.
Premier permis de construire numérique hexagonal; explosion de l’offre logicielle ou des services d’accompagnement et de formation; publication de guides méthodologiques et de catalogues de produits en ligne… le BIM est en plein boom! Qu’on se réfère à sa signification anglo-saxonne (Building Information Modeling) ou française (Modélisation des informations du bâtiment), l’acronyme est aujourd’hui sur tous les écrans, mais reste parfois un peu flou. Car le BIM n’est pas qu’une maquette numérique en trois dimensions. C‘est aussi, et surtout, l’ensemble des processus collaboratifs de collecte et de gestion des innombrables informations qui alimentent cette représentation 3D. Enfin, seul véritable gage d’une conception écologiquement, énergétiquement et financièrement efficace, le BIM permet de faire travailler en amont tous les acteurs du projet. Il ne se satisfait d’ailleurs pas de la traditionnelle 3D.

On parle ainsi de 4D, lorsque la dimension temporelle entre en jeu, de 5D avec les données de coûts, de 6D en intégrant la gestion d’actifs immobiliers, et même de 7D en prenant en compte les informations liées aux performances énergétiques et environnementales de l’ouvrage tout au long de sa vie.

« Le BIM et la maquette numérique constituent de puissants outils pour gagner en temps et en précision. Cela correspond à une véritable attente des professionnels. L’objectif du Plan transition numérique dans le bâtiment est d’accompagner l’appropriation du BIM par le plus grand nombre possible de professionnels », explique Bertrand Delcambre, président de ce plan gouvernemental lancé en janvier 2015 et doté de 20 millions d’euros sur trois ans. Et avec un paysage aussi éclaté que celui de la construction française, qui compte plus de 500 000 acteurs économiques, dont 95 % de structures de moins de dix personnes, le défi est de taille…

il n’est aujourd’hui pas question pour les pouvoirs publics d’imposer autoritairement son utilisation, même pour les marchés publics d’état, comme avait pu le laisser entendre Cécile Duflot lorsqu’elle était aux commandes du ministère du logement. « La nouvelle directive européenne (2014-2024/UE) sur les marchés publics laisse le choix aux États membres : rendre le BIM obligatoire ou non », rappelle Souheil Soubra, directeur technologies de l’information au Centre scientifique et technique du bâ timent (CStB). Mais la France se retrouve devant une obligation de fait. « Le BIM est déjà obligatoire en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas et dans les pays nordiques. L’Allemagne l’imposera en 2018, l’Espagne en deux étapes d’ici à 2020, et l’Italie le fait déjà à partir de 5 millions d’euros de travaux… En France, de plus en plus de maîtres d’ouvrage, publics comme privés, imposent son utilisation dans leurs appels d’offres », assure Emmanuel di Giacomo, responsable du développement du BIM en Europe chez Autodesk, l’éditeur du célèbre AutoCAD et du logiciel Revit lt.

Economie, rapidité et qualité, de la phase conception jusqu’à l’exploitation, les donneurs d’ordres ont tout à gagner à recourir au BIM. « Ils doivent pour cela comprendre l’outil et ce qu’il implique en termes de compétences, internes ou externes, de formation et d’organisation », considère Christophe Moreau, directeur projet modernisation métiers de Bouygues Construction. À travers des chartes, conventions et autres protocoles, ils doivent également exprimer clairement leurs attentes et besoins et définir en amont, avec la maîtrise d’œuvre, le rôle et la responsabilité de chaque intervenant, la nature des informations échangées, le niveau de détail souhaité…

De nombreuses structures telles que le CSTB, se positionnent sur ce marché de l’assistance à maîtrise d’ouvrage. Tandis que, à l’instar de Domolandes en Aquitaine, des plateformes de ressources se constituent dans plusieurs régions. « Le réseau  » Territoires et acteurs » a été lancé en juin pour donner la plus grande audience possible à ce type d’initiatives et permettre une fertilisation croisée entre elles », escompte Bertrand Delcambre qui annonçait fin mai sur le site www.environnement-magazine.fr l’ouverture d’une plateforme gratuite de découverte et d’initiation au BIM.

Fabian tubiana

Une plateforme pour jouer dans la cour des grands

C’est la ministre du Logement qui a souhaité ce coup d’accélérateur : une plateforme gratuite de découverte et d’initiation au BIM et à la maquette numérique sera mise à la disposition des plus petites structures (architectes, artisans…) en mars 2017. Le Plan transition numérique dans le bâtiment (PTNB) en a confié le développement au CSTB. « Cela répond à une demande claire des professionnels. Ils ont du mal à s’y retrouver dans une offre en pleine effervescence, ont besoin de se former et n’ont pas forcément les moyens d’acquérir matériels et logiciels », explique le président du PTNB, Bertrand Delcambre. Ces professionnels pourront donc utiliser cette plateforme Open BIM (interopérable) pour leurs projets. Pour sensibiliser et former ces professionnels, le PTNB a en outre décidé de la constitution de valises pédagogiques « les plus didactiques possibles »; d’un recensement, y compris international, des différentes formations disponibles et d’encourager, si besoin, le développement d’une offre spécifique.

Habitat 76 construit avec le BIM

L’Office public d’aménagement de Seine-Maritime vient d’inaugurer sa première résidence conçue et construite grâce au BIM. Habitat 76 utilise également la maquette numérique pour la gestion de son patrimoine.

Habitat 76 a inauguré le 24 juin la résidence de la Madeleine à Rouen. Cet ensemble à haute performance énergétique (HPE, Rt 2012 – 10 %) – de 53 lo gements pour 3 575 m² de surface utile – prend place sur un site très contraint en centre-ville. C’est aussi la première opération de construction publique de logements entièrement conçue et réalisée grâce au BIM et à la maquette numérique.

« Nous avons décidé, fin 2012, de réaliser cette première opération dessinée par le cabinet CBA Architectes. Nous en avons par la suite lancé plusieurs autres et décidé de systématiser la démarche », retrace Philippe Cottard, sous-directeur chargé du développement et de la production immobilière d’Habitat 76. Une demi-douzaine d’opérations est en cours. La Corderie du roi, comptant 50 logements, sera livrée à Eu au cours de l’été; la construction de 30 autres labellisés Passivhaus s’achèvera en fin d’année à Malaunay…

Pour le bailleur social, le BIM cumule les avantages : il permet un travail plus efficace et plus collaboratif lors de la conception. Et aussi plus rapide : « Nous avons gagné deux mois pour la conception par rapport à un projet classique et trois mois sur le chantier. D’ordinaire, les difficultés surgissent les unes après les autres sans être anticipées. Avec la maquette numérique, elles sont détectées en amont. La gestion des ponts thermiques ou des matériaux pour moins de gaspillages est également facilitée », constate Philippe Cottard.

Prix au mètre carré pour la construction de cette résidence : 1 000 euros. Un coût plutôt élevé, davantage dû à la complexité de l’opération qu’au recours au BIM, selon le sous-directeur. Le bailleur a cependant investi dans des ordinateurs plus puissants, de plus grands écrans et des logiciels adaptés, dans la formation de ses équipes et fait appel à deux stagiaires d’un mastère spécialisé BIM en alternance. Habitat 76 s’est é ga-lement entouré d’un assistant à maîtrise d’ouvrage spécialisé, le cabinet lillois 3ème Opus, qui a notamment monté le cahier des charges de l’opération, annexé au programme.

L’Office public d’aménagement s’est d’autant plus approprié le BIM qu’il s’en sert désormais pour la gestion de son patrimoine. « Nous avons commencé par le BIM Gestion. Il n’est pas évident de gérer toutes les données techniques d’un patrimoine important et étendu comme le nôtre [28 000 lo gements dans 200 communes, ndlr]. C’est pourquoi nous avons décidé en 2011 d’acquérir le logiciel Abyla de la société Labéo. Celui-ci nous apporte, sous forme de maquette numérique, une connaissance technique et graphique de nos biens », observe Philippe Cottard. L’homme prodigue deux conseils aux bailleurs qui voudraient passer à la maquette numérique : entrer par la porte gestion et quand vient le lancement d’un projet de construction, demander explicitement, dès le lancement du marché et dans son intitulé même, la fourniture de données numériques.

Habitat 76 a numérisé tout son patrimoine entre 2013 et 2015 (pour un coût de 900 000 euros, soit 32 euros par logement) et passe en cette année 2016 à une phase de test grandeur nature. Abyla est interfacé avec le progiciel de gestion métier (facturations, quittances…) de l’Office, ainsi qu’avec son système d’information géographique (SIG). En construisant avec le BIM, le bailleur fait d’une pierre deux coups : il bénéficie d’une conception et d’une réalisation plus fines et récupère des dossiers des ouvrages exécutés (DOE) très précis pour gérer et maintenir ses bâtiments. Les objets les plus courants de l’ouvrage (fenêtres, sols, garde-corps, volets…) ont été numérisés au format IFC (Industry Foundation Classes, le format interopérable du BIM) et sont ainsi répertoriés dans Abyla. « Abyla va bouleverser nos habitudes et nous faire gagner du temps. Ainsi, nous pourrons établir un plan stratégique de patrimoine; suivre plus facilement les consommations des bâtiments en anticipant les coûts d’exploitation; disposer d’une traçabilité des interventions techniques et sécuriser les suivis réglementaires (amiante, sécurité incendie) », énumère le sous-directeur. À l’origine de rapports techniques ou de commandes plus précises de matériels, l’outil doit aussi faciliter la vie des chargés de sites. Connaissant désormais son parc comme sa poche, l’Office a même pu lancer sept contrats de performance énergétique (CpE) pour 12 000 logements collectifs, dont 5 000 avec travaux.

Fabian Tubiana
Thalès inaugure l’exploitation BIM

Thalès expérimente avec Vinci Facilities l’exploitation BIM de son site de Vélizy-Villacoublay, dans les Yvelines. Et pose les bases d’un facility management renouvelé.

« Il n’existe aucune référence sérieuse de bâtiments exploités avec l’aide de la maquette numérique », assure Christophe Moreau, directeur projet modernisation métiers de Bouygues Construction. Cela devrait bientôt changer. D’une part, avec plusieurs projets dits « 100 % BIM » tels que l’hôpital d’Ajaccio et le Palais de justice de Paris qui sont sur les rails. D’autre part, avec le groupe Thalès qui exploite depuis décembre 2014 son site tertiaire de Vélizy-Villacoublay (Yvelines) en s’appuyant sur le BIM. Petit, filiale de Vinci Construction, avait construit pour la Foncière des régions les trois bâtiments en utilisant l’outil numérique. Vinci Facilities exploite aujourd’hui le site de 49 000 m² dont la consommation annuelle s’élève à 15 euros au mètre carré (7 000 kWh) pour un objectif, à terme, de 14 euros. Le facility manager utilise jusqu’à présent trois outils distincts : le BIM, donc, un système plus classique de gestion de maintenance assistée par ordinateur (GMAO), ainsi qu’une gestion technique des bâtiments (GTB). « Nous avons validé fin juin la connexion de la maquette numérique avec la gestion technique. Et nous devrions avoir réussi la fusion des trois outils début septembre », estime Nicolas Cugier, directeur des services généraux de Thalès.

Aujourd’hui, dans les projets BIM, la maquette numérique n’est pas utilisée durant la phase d’exploitation, malgré son potentiel, notamment en termes d’économie d’énergie. Une fois le bâtiment réceptionné, Thalès et Vinci Facilities ont eu à mener un important travail de mise à jour des dossiers des ouvrages exécutés (DOE) numériques, d’habitude livrés sous forme papier et, ici, attachés à la maquette. « Il faut aller constater la réalité du bâtiment au regard de la maquette pour voir quelles modifications ou compléments sont nécessaires : mises à jour non effectuées par le constructeur, équipements supplémentaires apportés par l’occupant… », détaille le directeur des services généraux. Deux mises à jour ont été opérées : en septembre 2015 et juin 2016. « Le principal enjeu de ces mises à jour réside dans la granulométrie choisie. Il faut être stratège. Faut-il gérer tous les luminaires ou les prises électriques d’un étage en un seul lot, avec un témoin? Ou plutôt par zone? Par bâtiment…? », se demande Nicolas Cugier. Les quatre partenaires (constructeur, propriétaire, occupant et exploitant) ont sollicité le canadien Impararia pour les assister dans cette tâche.

L’autre difficulté rencontrée touche à l’interopérabilité : pas évident de persuader les industriels, et d’autant plus quand ils sont en position dominante sur leur marché, d’ouvrir leurs systèmes ou de fournir toutes les informations techniques pour un équipement…

Des informations pourtant bien utiles aux techniciens de maintenance. « Le BIM nous invite à repenser l’ensemble du processus de facility management. Celui-ci a été réécrit pour que non seulement les techniciens, mais aussi les agents de nettoyage ou d’accueil, puissent interagir avec la maquette numérique », indique Nicolas Cugier. Plus fort : grâce aux travaux d’un laboratoire spécialisé du groupe, des typologies de comportement des occupants d’un bâtiment en cas d’incendie vont être intégrées au BIM. Ce nouveau mode de fonctionnement a, par ailleurs, conduit Vinci Facilities à créer un poste de BIM manager, chef d’orchestre de l’administration des données. Thalès va bientôt agrandir son terrain d’expérimentation. « Nous lançons la même démarche à Mérignac au sein de notre nouveau site industriel et tertiaire de 55 000 m², Air’Innov, que nous occuperons à compter d’octobre », indique le directeur des services généraux qui se demande dans quelle mesure il pourra exploiter demain les bâtiments plus anciens du groupe, conçus sur papier, avec le BIM…

Fabian Tubiana

L’exploitant du futur

Imaginons, avec la complicité de Nicolas Cugier de Thalès, le quotidien d’un technicien de maintenance dans un bâtiment tertiaire intelligent exploité avec le BIM : « Un fusible saute dans un plafonnier du premier étage. Une alarme avertit le technicien. Au lieu de prendre son échelle et d’aller directement sur place, il navigue dans la maquette numérique. Il identifie le fusible défectueux, examine ses attributs (marque, caractéristiques techniques), vérifie le stock de pièces de rechange, puis se rend sur place avec les outils nécessaires (inutile de prendre toute la boîte à outils!). Il utilise alors la fonction réalité augmentée de sa tablette pour localiser précisément la dalle de sous-plafond qui réclame son intervention… »

Bientôt le dictionnaire des produits du BIM

De longs mois de travaux attendent l’association Mediaconstruct, chargée d’établir une base de données produits/systèmes intégrée à la maquette numérique.

La maquette numérique d’un bâtiment s’appuie sur des systèmes et produits représentés en trois dimensions auxquels sont attachées des propriétés techniques (forme, épaisseur, résistance thermique…). Celles-ci constituent un complément d’information indispensable au standard international IFC (Industry Foundation Classes), mais doivent être identifiées de la même manière par leurs fabricants et les éditeurs de logiciel. La norme expérimentale XP P07-150, plus connue sous le nom de PPBIM, a été créée pour cela. « Elle normalise la façon de décrire les propriétés d’un produit ou d’un système, ainsi que tout le cadre organisationnel de validation, de modification ou d’archivage de ses propriétés par un collège d’experts », précise Frédéric Grand, référent « product Room » de Mediaconstruct, la déclinaison hexagonale de l’association BuildingSmart International (BSI) qui a imaginé l’IFC. C’est donc la création d’une base de données (ou « dictionnaire ») de propriétés produits/systèmes, et d’une bibliothèque d’objets génériques adaptés au contexte français, qui a été confiée à la structure par les pouvoirs publics. Dans un premier temps, ce dictionnaire constituera un standard fran-çais qui devra trouver sa place sur la scène internationale…

« Une première phase de dix-huit mois qui a débuté mi-avril doit permettre de traiter 30 produits et 300 propriétés. Si les résultats sont convaincants, une deuxième phase d’un an en produira environ dix fois plus », décrit Bertrand Delcambre, président du Plan transition numérique dans le bâtiment.

Grâce à ce dictionnaire, il sera possible de comparer produits et systèmes commerciaux entre eux, mais aussi d’impliquer davantage les fabricants dans les projets. « Le BIM doit permettre à l’industriel d’être un véritable acteur prescripteur, de faire du codesign avec les professionnels (tel que le pratiquent d’autres secteurs industriels : automobile, aéronautique, électrique) et non plus de n’être qu’un simple fournisseur », explique ainsi un do cument de l’AIMCC (l’Association française des industries des produits de construction). En attendant, les industriels s’interrogent sur la marche à suivre. Mais tous, du grand groupe qui expérimente la numérisation d’un échantillon de son catalogue au plus petit qui le fait faire par un prestataire comme Polantis pour sa dizaine de produits, ont compris l’intérêt de se positionner en tant qu’acteurs du BIM. »

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