Instruire une demande de permis de construire sur un lot

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Nous vous proposons  de retrouver ci-dessous un article de la semaine juridique notariale commentant un arrêt du Conseil d’Etat du 9 avril 2015 relatif à l’application de l’article R 123-10-1 du Code de l’urbanisme et aux permis de construire déposés dans le périmètre d’un lotissement.  Cet arrêt anéanti la solution dégagée par la Cour Administrative d’Appel de LYON dans deux arrêtés du 9 juillet 2013 abondamment commentés à l‘époque.

Il faut retenir que pour l’instruction d’une demande de permis de construire à l’intérieur d’un lotissement il faut, sauf si le règlement du POS ou du PLU s’y oppose, appliquer les règles d’urbanisme  en considération de l’unité foncière initiale et non par rapport aux unités foncières issues de la division.

La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 26, 26 Juin 2015,  1110

Instruire une demande de permis de construire sur un lot

 

Commentaire par DAVID GILLIG

avocat au barreau de Strasbourg, associé du cabinet Soler-Couteaux/Llorens

 

LOTISSEMENT

Sommaire

En cas de demande de permis de construire portant sur un lot de lotissement, le service instructeur doit-il apprécier le respect des règles d’urbanisme à l’échelle de ce lotissement ou en considération du seul terrain d’assiette de la construction projetée ? C’est à cette question que répond le Conseil d’État dans un arrêt attendu des praticiens : le service instructeur doit, sauf si le règlement du POS/PLU s’y oppose, appliquer les règles contenues dans ce règlement à l’ensemble du projet en ne prenant en considération que l’unité foncière initiale constituant l’assiette du lotissement.

CE, 9 avr. 2015, n° 372011 : JurisData n° 2015-008936

LE CONSEIL D’ÉTAT

« Considérant ce qui suit :

  1. Aux termes de l’article R. 123-10-1 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date du permis de construire en litige : « Dans le cas d’un lotissement ou dans celui de la construction, sur un même terrain, de plusieurs bâtiments dont le terrain d’assiette doit faire l’objet d’une division en propriété ou en jouissance, les règles édictées par le plan local d’urbanisme sont appréciées au regard de l’ensemble du projet, sauf si le règlement de ce plan s’y oppose ». Il résulte de ces dispositions, applicables notamment aux permis de construire, que si les règles d’un plan local d’urbanisme relatives à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives s’appliquent à l’ensemble des constructions d’un lotissement dans leurs relations avec les parcelles situées à l’extérieur du périmètre de ce lotissement, elles ne sont pas, sauf prescription contraire du plan, applicables à l’implantation des constructions à l’intérieur de ce périmètre. Par suite, en énonçant que les dispositions alors applicables de l’article R. 123-10-1 du Code de l’urbanisme « n’impliquent pas que les limites entre les lots ne puissent être prises en compte pour l’application des règles de recul par rapport aux limites séparatives au moment de la délivrance d’un permis de construire dans le lotissement, la cour a commis une erreur de droit ».

 

Note :

Aux termes de l’article R. 123-10-1 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-274 du 28 février 2012 relatif à certaines corrections à apporter au régime des autorisations d’urbanisme : « Dans le cas d’un lotissement ou dans celui de la construction, sur une unité foncière ou sur plusieurs unités foncières contiguës, de plusieurs bâtiments dont le terrain d’assiette doit faire l’objet d’une division en propriété ou en jouissance, l’ensemble du projet est apprécié au regard de la totalité des règles édictées par le plan local d’urbanisme, sauf si le règlement de ce plan s’y oppose ». Cet article, créé par le décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 pris pour l’application de l’ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d’urbanisme, a déjà fait couler beaucoup d’encre (V. par exemple : G. Godfrin, Projet immobilier avec division foncière : comment appliquer le PLU ? : Constr-Urb. 2007, étude 4 ; P. Cornille, Comment s’applique l’article R. 123-10-1 du Code de l’urbanisme : Constr-Urb. 2015, comm. 48), notamment en ce qui concerne son champ d’application (T. Simon, Dans un lotissement, l’application globalisée des règles d’urbanisme ne concerne que le lotisseur. Et tant pis pour les colotis : Constr-Urb. 2014, comm. 5).

L’arrêt sélectionné a le mérite de mettre fin à une solution dégagée par la cour administrative d’appel de Lyon dans deux arrêts du 9 juillet 2013 et écartant la mise en oeuvre des dispositions précitées de l’article R. 123-10-1 lors de l’instruction d’une demande de permis de construire portant sur un lot de lotissement.

 

  1. Contexte

Un permis de construire trois maisons d’habitation est accordé sur le lot d’un lotissement. Cette autorisation d’urbanisme est contestée par un voisin auprès du tribunal administratif de Lyon qui en prononce l’annulation. Celle-ci est fondée sur la méconnaissance de l’article 7 du règlement du PLU de la communauté urbaine de Lyon, relatif à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives de propriété.

Saisie par la commune d’implantation de ce projet immobilier, la cour administrative d’appel de Lyon confirme le jugement contesté (CAA, 9 juill. 2013, n° 12LY02996). Elle rappelle tout d’abord qu’aux termes de la disposition du règlement du PLU dont la violation est alléguée, les constructions doivent être implantées en retrait de 4 mètres minimum par rapport aux limites séparatives. La cour considère ensuite que cette règle est en l’espèce méconnue. En effet, certaines des constructions projetées sont situées à moins de quatre mètres des limites du lot faisant l’objet de la demande de permis de construire.

Ce faisant, la juridiction d’appel écarte l’argumentation de la commune consistant à soutenir que la règle de prospect définie par le document local d’urbanisme doit être appréciée au regard de l’ensemble du projet, conformément aux dispositions de l’article R. 123-10-1 du Code de l’urbanisme, dès lors que le projet de construction est situé dans le périmètre d’un lotissement. Selon la cour, ces dispositions « n’impliquent pas que les limites entre les lots ne puissent être prises en compte pour l’application des règles de recul par rapport aux limites séparatives au moment de la délivrance d’un permis de construire dans le lotissement ». Autrement dit, lorsque le terrain d’assiette de la construction projetée est situé dans un lotissement, les règles du PLU doivent être appliquées à chacun des lots qui sont issus de la division foncière résultant de ce lotissement et non à l’échelle du lotissement, abstraction faite des divisions qui sont intervenues dans le cadre de la mise en oeuvre de cette autorisation d’urbanisme.

Cela revient à considérer que les dispositions de l’article R. 123-10-1 ne concernent que le permis d’aménager autorisant la réalisation d’un lotissement et non les permis de construire accordés dans ce lotissement. Au demeurant, dans un arrêt également lu le 9 juillet 2013, la cour a jugé que cet article, « dont les dispositions ne concernent que la décision autorisant le lotissement, n’implique pas, lors de la délivrance d’un permis de construire dont le terrain d’assiette est situé dans un lotissement, d’apprécier le respect des dispositions relatives à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives au regard des seules limites externes du lotissement, à l’exclusion des limites internes entre les différents lots » (CAA, 9 juill. 2013, n° 12LY03219 : JurisData n° 2013-028373 ; Constr-Urb. 2014, comm. 5, note T. Simon). Il ne trouve donc à s’appliquer qu’à la seule décision autorisant le lotissement et non aux permis de construire délivrés dans le périmètre de cette opération d’aménagement. La solution dégagée par la cour administrative d’appel de Lyon est toutefois infirmée par le Conseil d’État.

 

  1. Portée

Bien que l’arrêt reproduit ait été rendu par une sous-section jugeant seule et qu’il ne connaisse pas les honneurs d’une publication ni même d’une mention aux tables du recueil Lebon, la solution qu’il comporte doit être analysée comme une solution de principe. En effet, le Conseil d’État considère clairement que les permis de construire délivrés dans le périmètre d’un lotissement entrent dans le champ d’application des dispositions de l’article R. 123-10-1 du Code de l’urbanisme.

Lors de l’instruction d’une demande de permis de construire portant sur un lot de lotissement, le service instructeur doit donc, sauf si le règlement du POS/PLU s’y oppose, appliquer les règles contenues dans ce règlement à l’ensemble du projet en ne prenant en considération que l’unité foncière initiale constituant l’assiette du lotissement.

La lecture que la Haute assemblée fait de l’article R. 123-10-1 du Code de l’urbanisme est non seulement conforme à sa lettre mais également à l’esprit qui a présidé à l’introduction de ce dispositif particulier d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme en cas d’opération immobilière avec division foncière à la clé. Sans doute la rédaction de l’article R. 123-10-1 n’est-elle pas des plus limpides. Mais si les mots ont un sens, il faut bien admettre que le principe d’application des règles à l’ensemble du projet posé par ces dispositions trouve à s’appliquer « dans le cas d’un lotissement ». Cette locution ne renvoie pas à la définition juridique du lotissement, telle qu’elle est donnée à l’article L. 442-1 du Code de l’urbanisme, mais à l’opération de lotissement. Or celle-ci ne s’achève pas à l’obtention de la décision de non-opposition à la déclaration d’achèvement et de conformité des travaux prévus dans le programme des travaux qui accompagne le dossier de demande de permis d’aménager. Cette opération a pour finalité de permettre l’implantation de constructions dans le périmètre du lotissement. Il n’y a donc aucune raison de réserver l’application globalisée des règles d’urbanisme à la phase amont de l’opération de lotissement qui correspond à l’instruction de la demande de permis d’aménager un lotissement et de l’écarter, dans sa phase aval, au moment du dépôt des demandes de permis de construire. Les dispositions de l’article R. 123-10-1 s’appliquent donc à la demande d’aménager un lotissement, mais elles trouvent toute leur portée au stade de la délivrance des permis de construire sur les lots de ce lotissement (V. en ce sens : J.-P. Meng, Le nouveau régime des lotissements : Berger-Levrault, 2010, n° 112, p. 162). Une solution inverse aurait d’ailleurs conduit à des situations ubuesques. Ainsi, pour ne donner qu’un exemple, le lotisseur serait autorisé, par l’article R. 123-10-1 du Code de l’urbanisme, à s’affranchir du respect de la règle de superficie minimale fixée par le règlement du POS, en créant des lots dont la superficie est inférieure à celle exigée par la règle locale d’urbanisme. Mais les acquéreurs des lots de ce lotissement se verraient, eux, opposer un refus de permis de construire au motif que leur lot ne respecterait pas cette règle de superficie minimale. Si l’application de l’article R. 123-10-1 du Code de l’urbanisme avait été cantonnée aux seules décisions autorisant la réalisation d’un lotissement, elle aurait eu pour conséquence, dans certains cas, de rendre inconstructibles des lots d’un lotissement pourtant régulièrement autorisé. La sécurité juridique des acquéreurs de lots justifie donc également la solution retenue par le Conseil d’État.

Remarque

Il ne peut qu’être conseillé aux notaires chargés d’instrumenter un acte de vente concernant un lot de lotissement de vérifier que les dispositions du règlement du POS/PLU ne s’opposent pas à l’application globalisée des règles d’urbanisme. En effet, l’article R. 123-10-1 du Code de l’urbanisme ne trouve à s’appliquer que dans les cas où le règlement du POS/PLU ne s’oppose pas à ce que l’ensemble du projet soit apprécié au regard de la totalité des règles édictées par ce plan (pour des exemples jurisprudentiels où il a été considéré que les auteurs du document local d’urbanisme ont « entendu écarter l’application des dispositions de l’article R. 123-10-1 du Code de l’urbanisme », V. notam. CAA Nancy, 22 janv. 2015, n° 14NC00889).

 

Construction. – Urbanisme. – Permis de construire. – Lotissement. – Règles d’urbanisme

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